C’est les muscles bandés sous son masque que Stupeflip revient aux affaires. L’évidence est encore une fois portée par King-Ju (a.k.a Julien Barthélémy), debout sur ce qu’il reste d’une France et d’un monde en quenouilles : le Stup ne mourra jamais, vous entendez. Stup Forever, c’est d’ailleurs le titre de ce cinquième album à venir qui vient rappeler la puissance millénaire de ce projet porté, fièrement et les yeux rouges depuis 2000, par un homme dont on ne soulignera jamais à quel point il est une exception, au sens propre du terme. En un peu plus de 20 ans, et accompagné de ses acolytes Cadillac et MC Salo, King-Ju aura réussi l’exploit de continuer à danser loin de la meute, toujours fidèle à ceux qui lui auront ouvert la voix. On parle ici d’une joyeuse faune aphone (à force de gueuler) et qui regrouperait Bérurier Noir (pour l’énergie), Bashung, Booba (pour les mots les deux), Jacno (pour la classe), Dupontel (pour rire) Akhenaton (pour le flow tranchant) ou encore les Residents (pour le refus de paraître). 


On se souvient encore de la détermination de King-Ju en 2000, quand on le croisait à la tête de ce projet révolté, prêt à en découdre et à mordre au mollet malgré les mauvaises dents. A l’époque, il nous avait promis une épopée, et le bougre a tenu son engagement. Évitant les coups du music business, pariant sur la révolution numérique (souvenez-vous de ce crowdfunding de 428 000 boules pour le quatrième album, Stup Virus, qui jonglait déjà dans le futur en associant mauvaise toux et argent magique), et menant une vie à l’écart des grands raouts et du beau, King-Ju a su construire son indépendance à coup de rage et de cervelle, là où certains ont rendu les armes ou tout simplement perdu la tête. 


Pour ce cinquième album, il reçoit la où on l’a toujours trouvé : dans ce petit appartement du 13ème sans fioritures où il mène depuis des années son combat discret. C’est avec lui et rien que lui que l’on découvre, toujours ébahi, ce nouvel essai du Stup, pas loin d’être l’un de ses plus intéressants. Car il y a sur ce dernier album tout ce qui a fait le sel du Stup, dans le désordre : la détermination, la mélodie, la gouaille, l’humour, des beats en merisiers, un univers onirique, et surtout cette volonté de continuer à mettre son pied pointu dans les fesses de ceux qui nous pourrissent l’existence, à petite comme à grande échelle (patrons débiles, voisins atroces, famille de merde, crétins qu’on croise dans la queue du magasin, ami foireux, charlatans perdus, présidents pétés). 


Avec la virtuosité d’une de ses idoles, le grand cinéaste indé américain John Carpenter, King-Ju met en scène dans sa musique ce monde qui déraille de ouf avec toujours cette fraîcheur qui lui appartient, convoquant sur des lyrics toujours guerrier les influences qu’il maîtrise mieux que personne : le rap des années 90, le rock qui ne rechigne pas à la guitare et une certaine idée de la pop acidulée. C’est beau, c’est neuf : c’est Stup Forever !



Pierre Siankowski